Loi portant reforme de la fonction publique – Principales dispositions intéressant les personnels de direction

Art 4,10, 11, 14 et 30 : fin des compétences des CAP sur les avancements de corps et de grade, les mutations et la mobilité. Les avis seront restreints aux « situations individuelles complexes » ainsi qu’aux décisions en matière disciplinaire, d’insuffisance professionnelle, de refus de titularisation, de licenciement en cas de refus de 3 postes successifs …
Soustraction de la hiérarchie au contrôle des représentants du personnels ; encouragement de l’arbitraire, du favoritisme et de la soumission, suppression de garanties de défense collective et individuelle.

Art 15 et 16 : A l’exception des chefferies de CHU, élargissement du recrutement de directeurs contractuels chefs d’établissement et adjoints par les ARS (et les préfets pour le médico-social) dénommés « emplois supérieurs hospitaliers » y compris sur emplois fonctionnels et de direction de service central. Notion nouvelle d’emplois supérieurs qui pourront ne pas être organisés en corps. Des actes de gestion des personnels de direction seront déconcentrés (congés, quotité de travail, positions administratives, affectations internes).

Le lien entre service public et Statut est rompu. La loi va favoriser les recrutements clientélistes et par relations des petits potentats alors que les concours (même imparfaits) offrent des garanties de sélection selon les mérites, les compétences et les savoirs.

Le concours comme mode de recrutement permettant l’égal accès aux emplois publics et comme principe républicain est clairement remis en cause. Il sera évidemment plus facile de mettre en œuvre et d’accélérer les politiques de privatisation avec des contractuels issus du privé ou formés pour cela.

Art 8 et 17 : création du contrat de projet (CDD d’un an au moins et de 6 ans au plus prenant fin à la fin du projet ou de l’opération pour lequel le contrat a été conclu).

Les articles 7, 8, 15, 16 et 17 permettent la remise en cause de la permanence des emplois de la fonction publique liée au principe de continuité du service pour satisfaire les besoins de la population. Porte ouverte à la contractualisation massive et généralisée au lieu de titulariser les centaines de contractuels occupant déjà un emploi permanent.

Le recours accru aux contractuels réduira davantage la masse salariale des établissements et accentuera la concurrence entre titulaires et non titulaires. La loi va officialiser la pratique déjà répandue des recrutements dits fléchés ou au profil, ce qui favorisera l’endogamie sociale, territoriale et universitaire mais aussi le clientélisme et la politisation des emplois supérieurs.
La contestation d’un ordre « manifestement illégal » sera très difficile compte tenu du renforcement du lien de subordination avec l’employeur et de la crainte des salariés de perdre leur emploi.

Art 22 : un directeur en congé pour invalidité temporaire imputable au service peut être remplacé par un agent contractuel (« dans l’intérêt du service ») jusqu’à son retour.

Art 23 : création d’une prime de précarité ou de fin de contrat conclu pour pourvoir un emploi permanent ou non (si contrat de 12 mois au moins) à l’exclusion des contrats de projet (visés à l’article 8) et des contrats saisonniers.
Directeurs contractuels « jetables » sans la prime de précarité dans la limite de 11 mois et 29 jours. Autres critères d’exclusion limitant le nombre d’ayants droit : rémunération plafond, besoins dits saisonniers, contrats de projet …

Art 28 : Individualisation des rémunérations des directeurs contractuels et création d’un dispositif d’intéressement collectif « à la qualité du service rendu » et mise en place d’une rémunération au mérite.

La définition des critères d’attribution sera aléatoire et contingente des résultats financiers de l’établissement.
Pour les titulaires comme pour les contractuels, la part variable des rémunérations deviendra vite plus importante que la part fixe. L’allongement des durées d’échelons (avancement à l’ancienneté) financera la prépondérance des régimes indemnitaires dont une grande partie seront aléatoires, ce qui rendra les personnels de direction encore plus soumis à leur hiérarchie et au pouvoir politique.

Les grilles indiciaires des corps de direction ne seront plus la référence et cèderont la place à des conventions ou à des accords locaux sans rapport de force favorable aux salariés. Le tassement de l’échelle des salaires va s’accentuer davantage avec des débuts de carrière de directeurs se rapprochant du minimum de traitement revendiqué par la CGT pour la catégorie C !

Art 30, 31 et 32 : Révision de l’échelle des sanctions disciplinaires (notamment la création de l’exclusion temporaire pour une durée maximale de 3 jours), suppression de la commission de recours du Conseil Supérieur de la FDPH contre les décisions disciplinaires (recours portés directement devant le juge administratif).

Art 34 : Simplification « par le vide » des modalités de saisine de la commission de déontologie qui sera fusionnée avec la Haute Autorité de Transparence de la Vie Publique ! Le gouvernement veut limiter les contrôles « aux emplois les plus à risques ».

Le but du gouvernement est de fermer les yeux sur les conflits d’intérêts potentiels induits par l’encouragement à la mobilité public/privé ; de cette façon le transfert de missions lucratives et marchandisées aux appétits privés sera plus aisé.

Suppression prévisible de concours nationaux (ou forte réduction des postes ouverts) et des formations à l’EHESP : la scolarité ne débouchera plus automatiquement sur une affectation en emploi de direction.
Prime aux recrutements clientélistes et « politiques ». Renforcement considérable et sans contrôle du pouvoir de décision des chefs d’établissement pivot (GHT) et des ARS sur la carrière et la rémunération des agents.

La suppression des protections et moyens de défense des CAP aura forcément un impact négatif sur le temps de travail et les récupérations des heures et des jours dus. Déjà largement amorcée, la dégradation des conditions de travail est confirmée (disponibilité sans frein, …).

Art 59 : le gouvernement pourra réformer les modes de recrutement par ordonnances dans le but de déconcentrer les recrutements et la gestion.

Les critères de recrutement et de gestion seront à géométrie variable dans le temps et sur le territoire national en fonction de priorités arbitraires, d’aléas budgétaires et de copinages par réseaux échappant à tout contrôle public. Les discriminations à l’embauche fondées sur les opinions, les origines et les engagements seront plus difficiles à combattre.
Les emplois « bouche-trou » et les intérims à durée indéterminée vont se développer.

Art 71 et 72 : « Portabilité » du CDI d’un établissement à l’autre, création d’un dispositif de rupture conventionnelle de contrat comme dans le privé.
Généralisation du directeur « nomade » à l’américaine déplacé selon le bon vouloir des tutelles et acculé à la démission en échange d’un semblant de concertation sur la rupture conventionnelle et des allocations chômage !

Art 75 : en cas de suppression d’emplois consécutives aux restructurations, les agents sont réaffectés sur d’autres postes de leur établissement OU sur des postes dans le département voire la région relevant de la fonction publique territoriale ou de l’Etat.

Art 76 : en cas de sous-traitance de missions au privé, les agents concernés peuvent être affectés dans les entreprises titulaires des marchés sur CDI tant que dure le contrat d’externalisation. En cas de restructurations, les personnels de direction pourront être « affectés » dans le privé avec un CDI s’ils le demandent (comme s’ils auront le choix !).

Généralisation des détachements d’office et des mises à disposition sans limite de durée dans le privé compte tenu de l’abandon et de la privatisation des missions publiques.

Mise en application du principe gouvernemental « d’agilité » davantage contraint que volontaire en raison des graves difficultés d’équilibre budgétaire de la majorité des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Invitation non déguisée au « dégraissage » soit par licenciements, soit par départs forcés en raison des vagues de suppressions de postes annoncées chaque année.

Le projet gouvernemental de création d’une indemnité chômage pour les fonctionnaires va accélérer la réduction des effectifs et prépare de fait la privatisation par le transfert de personnels, missions et services aux opérateurs privés.

 

COMMENTAIRES GENERAUX

Le CCN des personnels de direction est de fait menacé dans son périmètre et ses attributions tant la philosophie inspirant le projet gouvernemental est fondée sur la suppression de moyens humains et matériels des services publics. Son corollaire est la réduction des droits et des garanties de tous les personnels.

Les pouvoirs exorbitants abandonnés depuis 10 ans en matière de gestion du personnel de direction, sans quasiment aucune opposition des 3 CAPN, sont inscrits dans la loi (Cf. le rôle lamentable tenu en avril 2019 par le Syncass CFDT, le CH FO et le SMPS n’acceptant l’avancement que de 112 collègues à la classe exceptionnelle alors que le Budget en autorisait 233).

Avec la déconcentration d’actes de gestion, fin programmée des corps à gestion nationale et des garanties qui y sont attachées : recrutements différenciés, mobilité entravée, carrières et formations dépendant du lieu d’affectation, …

Le rôle du CNG sera réduit à la portion congrue, CNG qui se contente pourtant d’enregistrer les intérims à durée indéterminée et les directions communes sans jamais en évaluer les conséquences en termes de santé au travail et de détérioration du service public.

Dans la lignée du gel de la valeur du point d’indice, du ralentissement des carrières avec PPCR, de la hausse de la CSG (non compensée intégralement) et des cotisations retraite, du rétablissement du jour de carence qui consacrent le refus de reconnaissance de la valeur professionnelle et entraînent une baisse continue du pouvoir d’achat, la « réforme » encourage l’allongement du temps de travail et anticipe la suppression des régimes spéciaux de retraite.

La réorientation des formations vers des objectifs de marchandisation et la précarisation des emplois éloigneront les personnels de direction des valeurs de la fonction publique.

Le but du gouvernement n’est pas de reformer le statut général mais d’en retirer le bénéfice a des millions d’agents.

Montreuil, le 9 septembre 2019

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Publié le :
2 octobre 2019

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